Kassaman binnazilat ilmahiqat..." le plus noir des crimes est celui qui consiste à obscurcir la conscience politique et d’égarer tout un peuple" d'Emile ZOLA

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Le nom de ce blog est sans doute évocateur de notre "nachid el watani" tant décrié par le passé parce que, associé au pouvoir Algérien illégitime. Après des décennies de disettes. Je voudrais faire de cet espace, un coin où tous mes compatriotes et autres amoureux de libertés, de démocratie, ou tout simplement d'histoire pourraient s'exprimer librement. En ce sens, nous vous souhaitons la bienvenue. En hommage à Nacer Hachiche, repose en paix et à bientôt ! Pour garder le contact avec notre chère patrie : http://www.alger-presse.com/index.php/presse-fr


Tailleurs de pierres de Tala Bouzrou (Makouda) : un métier périlleux (source El Watan DZ)

Publié par The Algerian Speaker sur 25 Septembre 2013, 12:17pm

Catégories : #traditions ou takalid...Dialna

tailleur-de-pierres.jpgL’inhalation des particules de silice est mortelle. A Tala Bouzrou, l’activité se pratique de père en fils.

Tala Bouzrou ou «fontaine du rocher», est un village de 12.000 habitants relevant de la commune de Makouda (19 km au nord de Tizi-Ouzou). Dans ce village, un des plus pauvres de la commune, la population vaque, dans sa majorité, à une seule activité ; la casse et la taille de la pierre. Dépourvus d’autres sources de revenus, les villageois lèguent ce métier de père en fils. L’activité est certes rentable, mais porte un danger mortel. Il s’agit de la silicose, une maladie générée par l’inhalation des particules de silice qui se libèrent de la taille des masses rocailleuses. Elle plane tel un spectre de la mort sur la vie des villageois qui font de cette activité leur gagne-pain.

A l’entrée de Tala Bouzrou, un café maure. Et, c’est de là qu’on nous dirige vers les ateliers où travaillent les tailleurs de pierre. Au début, ces derniers sont réticents à parler de leur métier, et surtout de la silicose, «sujet tabou» pour eux. En leur expliquant l’objet de notre visite, ils acceptent de se confier. Farid K. 26 ans, dira : «J’ai travaillé pendant 2 ans comme tailleur de pierre, mais j’ai arrêté, car j’ai eu peur de cette maudite maladie dont je n’ose même pas prononcer le nom». Il indique avoir eu l’idée de changer d’activité en pratiquant l’élevage de la dinde. Ce n’est pas le cas d’Idir, qui montre de son doigt, un atelier en avouant : «C’est l’atelier de la mort». Il montre le cimetière du village où git la dernière victime de la silicose.

Ces jeunes tirent la sonnette d’alarme sur le nombre élevé de décès causés par cette maladie. Depuis 1996, année où l’on a déploré la première victime de cette pathologie, 9 autres cas de décès ont été dénombrés. La dernière victime a succombé à cette terrifiante maladie dans la première décade de septembre courant. Il s’agit de B. D., un homme de 34 ans. Un autre jeune s’empresse de dire : «Ayant une famille à nourrir, je n’ai vraiment pas le choix, sinon j’aurais opté pour un autre travail où le risque est moindre». Chez les jeunes, l’on peut aisément apercevoir leur inquiétude face à la mal vie: choisir de gagner de l’argent au péril de sa vie dans ce métier ou bien subir les affres d’un dénuement.

Activité rentable, maladie incurable

Le village dispose d’une matière première de choix en abondance; la pierre. C’est dans les années 1970 que ce métier a pris naissance dans le village. Les artisans de la pierre utilisaient la massette et le burin comme outils de travail. Le problème d’exposition aux particules de silice ne se posait pas vraiment. Dans les années 1990, avec l’arrivée de la tronçonneuse comme outil de travail très efficace, les villageois en usent quotidiennement et sans masques de protection de qualité, en inhalant  inévitablement cette poussière mortelle.

L’usage de cet outil électrique, qui fait gagner du temps et de l’argent aux tailleurs de pierres, a fait que l’activité a commencé à battre son plein, convoitée par d’innombrables autres jeunes tailleurs frappés par un chômage endémique. Le mètre cube du produit se vend entre 3500 et 5500 DA, et la main d’œuvre se chiffre à partir de 3500 DA par jour. Les conséquences sanitaires désastreuses semblent ne pas les décourager pour autant.

C’est le cas de Tarik, 28 ans. Il découpe des blocs de pierre à l’aide d’une tronçonneuse équipée d’un système d’hydratation (arrosage) de la pierre, ce qui semble ramollir la libération de poussière siliceuse. Mais le risque d’exposition reste patent, tant Tarik utilise aussi une tronçonneuse non hydrique lorsqu’il sculpte avec finesse ses pièces de pierre avant leur livraison. Il travaille sans masque, ni le moindre moyen de protection. Il avoue : «Je n’utilise pas de masque, car cela m’étouffe ; c’est une question d’habitude, je ne m’en accommode pas». À l’instar de Tarik, beaucoup d’autres jeunes tailleurs n’utilisent que des moyens dérisoires pour se prémunir du danger, tels que des mouchoirs imbibés d’eau, ce qui n’est pas efficace.

La peur d’évoquer la silicose

Nombreux sont les gens interrogés au sujet de cas de décès enregistrés et les sujets atteints par la silicose dans le village. Ils restent évasifs. Certains refusent d’admettre que c’est la silicose qui en est la cause. D’autres évoquent «la tuberculose». Hocine B. 54 ans, père de 5 enfants, a été hospitalisé pendant 28 jours au Sanatorium, service pneumologie. Diagnostic : silicose. Il a arrêté l’activité. «Le médecin m’avait informé que j’ai les poumons tâchés et m’a demandé d’arrêter pour retarder la progression de la… tuberculose», déclare-t-il. A ce sujet, Dr Merabet, de l’EPSP de Tigzirt, a expliqué : «L’exposition aux particules de poussière de quartz affaibli le système immunitaire des poumons et le sujet devient vulnérable à n’importe quel germe, comme la tuberculose. Cependant c’est la silicose qui est mise en cause».

Chez la famille de la dernière victime de la silicose, Ahmed, marié, 6 enfants, père du jeune défunt, livre ses sentiments après la perte de son fils. «J’ai demandé à mes enfants d’arrêter cette activité, mais le destin en a décidé autrement. Les jeunes du village trouvent en cette activité leur gagne-pain au détriment de leur santé», ajoute notre interlocuteur, abattu par la douleur de la perte de son fils. Karim, son cousin, dira quant à lui, qu’un appel aux autorités sanitaires a été lancé pour qu’elles dépêchent des équipes médicales spécialisées pour opérer des examens généraux et des diagnostics dans tout le village.

Sensibilisation et prévention

En décembre 2011, une journée de sensibilisation sur la silicose a été organisée au même village par un collectif de médecins bénévoles, l’APC de Makouda et l’association des asthmatiques de Tizi-Ouzou. Une communication a été donnée par des médecins spécialistes, suivie de témoignages de citoyens venus de T’kout (Batna), région ayant son lot de victimes de la silicose (100 cas de décès).
Un film documentaire sur «l’art de la pierre et ses conséquences», réalisé par un jeune producteur, Youcef Limani, a été projeté à cette occasion. «On a essayé tant bien que mal de faire ce travail de sensibilisation pour arriver à récupérer certains cas touchés, dont 7 alités, et en prévenir d’autres», rappelle Dr Merabet. Durant la journée, on a recensé 70 cas pour lesquels des examens ont été effectués.

Les médecins sont inquiets. La majorité de ces tailleurs ne viennent pas effectuer des examens, tant ils ont la peur des diagnostics. Dr Merabet affirme : «Mise à part l’implantation pulmonaire, une greffe qui ne se pratique pas chez nous, aucun autre traitement curatif n’a fait preuve d’efficacité, d’où la nécessité impérieuse de la prévention». Une enquête réalisée entre 2007  et 2010, par Dr Hammache du service pneumo au CHU Mohamed Nedir et intitulée «La silicose chez les tailleurs de pierre: un véritable problème de santé publique en Kabylie», révèle que cette maladie chez les tailleurs de pierre survient moins de 10 ans après l’exposition au silice et que la moyenne d’âge des 57% des cas alités à Tala Bouzrou, Azazga et Aïn El Hammam, est de 38 ans.

En outre, cette enquête fait état de l’existence de facteurs aggravant : la cigarette, puisque 75% des cas sont fumeurs. S’agissant des moyens de protection, Makhlouf, délégué médical, reste formel : «L’utilisation d’un masque est une nécessité impérative pour empêcher un tant soit peu l’inhalation des fines particules de silice cristalline. Il faut également travailler dans des conditions d’aération». Cependant l’indisponibilité de tels appareils de protection respiratoire, tel que le masque FFP2, une norme connue, est décriée par les tailleurs de pierre.
Ces derniers dénoncent aussi le fait qu’ils exercent leur métier sans aucune protection sociale. Donc ils ne peuvent même pas se faire rembourser les soins médicaux. De plus, les familles des défunts ne peuvent non plus bénéficier de «capital décès» ou autre compensation sociale. C’est une activité professionnelle suicidaire. «La mort au bout de la tronçonneuse», souligne en conclusion l’enquête médicale, interpellant les pouvoir publics pour venir en aide à ces jeunes artisans.

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O
il existe des moyens de prévention des risques professionnels de la silice : voir : http://www.officiel-prevention.com/protections-individuelles/les-voies-respiratoires/detail_dossier_CHSCT.php?rub=91&ssrub=127&dossid=391
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